enchanted (romance)

« Toujours à l’heure. » Il connaît son horreur pour le manque de ponctualité, pourtant elle a essayé ( dix minutes de retard précisément. ) L’effort qu’elle produit a tenté d’érafler ses nerfs est toujours honorable mais vain. Funambule sociale, si la corde tremble son équilibre est aussitôt retrouvé, maîtrisé ce qui avait déjà le don d’agacer Misty à l’époque.
Il espère que c’est encore le cas aujourd’hui.
« Tu es très belle. » Le compliment est plus galant que séducteur. L’approche d’un coeur est une affaire d’éducation dans leur milieu. Pour la reconquérir il y’a des protocoles, une implication personnelle avant d’être émotionnelle. Ils sont promis l’un à l’autre, il a le devoir d’être ce qu’il n’a pas su être la première fois, sérieux.
Et sérieux il l’est, il veut ses fiançailles, il veut faire d’elle sa femme. Il souhaite qu’elle le pardonne et qu’ils puissent poursuivre ce qui a été interrompu et pour ça, il n’a plus le droit à l’erreur.
« Je constate que tu es de nouveau en pleine forme. » Elle sait qu’il sait, pourtant aucun reproche n’assombrit sa remarque. Ses maux sont à l’encre invisible, quel mauvais genre donnerait-il en s'emportant pour des sentiments aussi juvéniles ?
Jalousie, colère.
Ce ne sont plus des adolescents. Pourtant, ses sentiments pour elle restent collégiens.
« J’espère que mes remèdes ont aidé à ton bon rétablissement. » Lui qui se souciait de son état s’est trouvé bien ridicule en la voyant sur les réseaux sociaux avec son sourire photogénique à danser et à boire en mauvaise compagnie.
C’est une piètre menteuse et pourtant il l’a cru.
Ce qui adoucit cet égarement c'est cette certitude, basée sur des fondations d'espoir, de croire que tout ça n'est qu'une vaste mise en scène pour le punir.
La vengeance est une émotion passionnelle.
La connaissant, elle apprécierait qu’il y fasse au moins une allusion. La jalousie est une de ses marques d'amour préférée, mais s’il entre dans ce jeu, il se sait perdu.
Pour un très long moment, les victoires de ce genre lui seront d’office accordées.
« Te souviens-tu du bal ? Je t’avais promis que je te prouverai autrement qu’on est fait l’un pour l’autre. » Le bal des grâces, un gros chapitre dans l’histoire de leur couple. Les deux fois où ils l’ont fêté ensemble ils se sont cherchés sans se trouver, jusqu’à 00:01, quand l’heure n’était déjà plus aux âmes soeurs.
Il se souvient de sa frustration alors que rares étaient les amoureux qui réussissaient à se rejoindre avant que minuit sonne mais comme pour tout, Misty est compétitive et elle croyait sincèrement en leur capacité à se retrouver. — Tout comme lui.
La déception était commune mais il la rassurait en lui promettant que l’année suivante serait la leur.
« As-tu deviné où je compte te conduire ? » La surprise n’est pas vraiment au rendez-vous, le lac enchanté n’est qu’à quelques mètres et sa légende est bien trop populaire pour qu’elle puisse l’ignorer.
Lorsque le grand froid gèle l’eau magique, celle-ci est capable de révéler les âmes soeurs. Lorsqu’un couple se risque à y mettre les pieds, si la glace ne craque pas sous leur poids alors il n’y’a pas de doute, ils sont fait l’un pour l’autre. Dans le cas contraire… L’amour coule, littéralement.

— Par tous les dragons pourquoi donc m'as-tu emmené ici? râle-t-elle plus abruptement que nécessaire pour toute réponse à son compliment frôlant l’indécence, tant ses manières sont évidentes, tant sa galanterie est calculée. Rien de ce qui sort désormais de sa bouche n'est accueilli avec la tendresse d'antan - -


tout est analysé,



jugé sans fondement,



poison de s e r p e n t




Il y a pourtant dans les œillades qu'elle lui adresse un reste de sentiments fanés (( encombrant )) dont elle ne sait que faire, c'est pesant, leste son cœur d'une charge venimeuse, car aux souvenirs de leur amour naissant se mêle une méfiance dont elle n'a pas l'habitude. Elle ne sait plus que croire depuis qu'elle a découvert que tout ce qu'ils étaient n'était que simple illusion, a-t-elle tout imaginé depuis le début? Quand est-ce qu'a commencé l ' i m p o s t u r e et où s'arrête-t-elle?

Le rouge lui monte aux joues lorsqu'il l'accuse lui-même de duperie, une insulte qui l'offense profondément, de ses sous-entendus elle exècre les sourires travaillés, les mots sont doux mais les intentions ne peuvent prêter à confusion, elle ne sait pas y faire avec ce genre de phrasé. Elle ne sait qu'aller droit au but. Sans louvoyer. — En pleine forme oui, je pense que sortir et voir du monde m'a fait du bien. Je déteste rester alitée. C'est une perte de temps. Hair-flip royal tandis qu'elle s'engage sur le chemin enneigé, non elle ne niera pas être sortie s'amuser en bonne compagnie, non elle ne se justifiera pas (( de quel droit le lui demande-t-il? )) OUI elle ne l'a pas tenu au courant et ne se sent aucunement coupable de cela. Elle refuse d'entrer dans son jeu, jouer l'ignorance pour mieux notifier ses critiques, c'est indigne d'elle - - de lui en revanche? Ça ne la surprend guère, c'est ce que son regard semble lui dire lorsqu'elle lui passe devant sans saisir le bras qu'il lui offre.



❝ je n'ai pas besoin de toi
ni maintenant
[ [ ni jamais ] ]


comme ça sonne faux,
comme voudrait-elle que cela soit vrai.




— C'est ridicule! objecte-t-elle alors qu'ils progressent vers le lac enchanté, elle n'a pas les chaussures adaptées pour ce genre d'expédition (peut-être aurait-elle dû accepter la main tendue finalement) — Je ne t'ai point demandé de me prouver quoi que ce soit. À l'époque elle serait enthousiasmée de cette initiative, aurait vanté sa portée romantique auprès de toutes ses amies. Le bal des Grâces lui a mainte fois révélé l'anomalie de leur couple, pour autant, elle n'a jamais voulu s'avouer vaincue, convaincue que tout est une question de persévérance. L'échec est un choix, guère une fatalité. Ainsi pense-t-elle sincèrement que les miséreux de Zaun ont provoqué leur destinée d'une manière ou d'une autre, si les celestiens sont bénis des dragons c'est sans conteste qu'ils sont plus méritants. C'est d'une même certitude qu'elle classe l'infidélité de Romance parmi les bassesses évitables, une f a i b l e s s e inadmissible pour un homme de son rang, qu'elle ne peut pas accepter à ses côtés. Il a chuté du piédestal sur lequel elle le plaçait, il n'est plus à la hauteur de l'homme qui obtiendra sa main.

L'étendue d'eau gelée se dessine enfin face à eux, un paysage des plus enchanteurs, toute la forêt semble cristallisée sous une poudre de diamant, les arbres comme le ciel brillent d'une aura bleue et argent. Un endroit resté immaculé, épargné des combats, que sont les hommes et les monstres face à la divine nature! Un endroit préservé par les grands dragons. C'est à leur regard clairvoyant qu'ils se livrent aujourd'hui, Misty craint de l'affronter. Au fond d'elle, elle n'est pas prête à se confronter à la vérité, pas plus maintenant que lorsque les Grâces se sont détournées d'eux. Elle ne peut pas s'être autant fourvoyée. Impossible.

— Crois-tu sincèrement que je vais crapahuter sur la glace? Le sourcil s'arque alors qu'un sourire de bêcheuse coince ses commissures en une expression perplexe : hors de question. — Ramène-moi immédiatement. déclara-t-elle d'une intonation catégorique — Nous sommes peut-être fiancés mais je ne suis pas tenue d’exécuter toutes tes lubies du moment, je meurs de froid et par ta faute mes chaussures sont ruinées! de piètres excuses qu'elle tente d'avancer, elle ne veut pas savoir, mais s'il le comprend, alors pourra-t-il en déduire que l'intérêt n'est pas mort, que ses efforts ne sont pas vains, qu'elle lui en veut toujours, pardi, qu'elle le désire encore.

« Je ne t'ai point demandé de me prouver quoi que ce soit. — Pourtant tu es là. » Son sourire donne à sa langue un accent insolent mais son expression elle reste humble presque attendrie de la voir si facilement tomber dans son piège. « Crois-tu sincèrement que je vais crapahuter sur la glace ? — Si tu juges ce trajet inconfortable, peut-être puis-je le rendre moins pénible en te proposant de te porter jusqu’à là-bas ? » Demande-t-il en ralentissant le pas, prêt à exhausser sa proposition si elle le désire. Mais évidemment, Misty boude toutes ses galanteries. Accepter reviendrait à une forme d’assentiment qu’elle répugne à lui concéder puis elle a déjà perdu une bataille, elle ne peut pas perdre la guerre.
Amusant, pense-t-il. Elle est toujours la même et il se permettrait d’en sourire si elle ne risquait pas de l’interpréter comme une moquerie. Mais même sans risette pour l’échauffer, Misty est déjà à bout de patience. Il se met alors devant elle, l’initiative lui coupe la parole. Les yeux dans les yeux, ils se communiquent une envie prohibée par toutes les valeurs de la Wicke. Une interdiction tacite qui rend l’idée de ce rapprochement encore plus délectable mais il n’y cède pas. À la place Romance se débarrasse de sa veste, la chaleur qui émanait de lui est encore imprégnée dans le vêtement quand il la recouvre. Il ne lui pose pas sur les épaules, il le tient au-dessus de sa tête pour la protéger de la brise hivernale et de la neige qui tombe paresseusement du ciel. Ils ne sont plus qu’eux, emmitouflés dans son parfum, une odeur familière qu’elle a gouté par tous les sens il y’a un petit moment de ça. — Est-ce qu’elle la reconnaît ? Se sent-elle à nouveau chez elle ?
C’est ce qu’elle lui disait, qu’il sentait la maison et il répondait par baisers qu’il était heureux qu’elle soit rentré chez elle.
Ça lui parait bien loin tout ça, cette idylle qu’ils réussissaient à vendre jusqu’à attiser la jalousie. Maintenant, que reste-t-il d’eux à envier ?
Il espère au fond de lui, qu’il y’a encore un petit quelque chose.
Le vent froid ne lui souffle plus dans le dos, il sort la tête de leur cocon afin de constater un changement de météo fabuleusement favorable. Un halo d’été les encercle, un ravissement non déguisé habit ses lèvres. « Je pense que je peux la récupérer. » Dit-il en se rhabillant tandis que la neige fond à leurs pieds. « Je t’emmènerai dans la boutique de ton choix pour t’offrir la paire de chaussures qui te convienne le mieux, ça nous fera un autre rendez-vous. » Proposition qu’il articule sur un ton léger, annulant presque l’audace de son assurance à la reconquérir. « Je ne te forcerai par à aller sur la glace mais ça serait dommage de rentrer maintenant, tu n’as vraiment pas envie de savoir ? » À l’époque c’est elle qui l’aurait attiré là en lui commandant de presser le pas car elle avait au coeur que la magie valide leur amour. Il était si évident pour eux, il devait l’être aussi pour le reste de l’univers.
Est-ce qu’elle en est toujours convaincue ?
Et lui, qu’en pense-t-il ?
Il ne sait pas pourquoi mais un écho de la voix d’Esfir lui chante : « Tu es mon âme soeur. » Et pour la première fois il doute de Misty, d’eux.
Et s’il était en train de les mener à une baignade certaine ?
« Tu es mon âme soeur. » Cette maudite voix ne peut-elle donc jamais se taire ??!!

Et l'espace d'un bref instant, elle se laisse emportée par le parfum des sens, le parfum du passé, de nostalgie sucré, ça pétille un peu sur le bout de sa langue quand elle repense aux baisers offerts en signe d'adoration lorsqu'elle se blottissait dans cette odeur. Une odeur associée à une seule et même certitude : celle de leur avenir commun, d'une destinée entremêlée qui ne pouvait qu'aboutir sur un bonheur ultime. C'est encore ça plus que le reste qu'elle lui reproche, en brisant leur promesse il a brisé ses rêves, son futur radieux, tous les plans qu'elle avait établi dés la naissance de leurs premiers émois. Il lui a imposé l'échec et l'humiliation. Tente-t-il de lui faire revivre la même déception ?

Elle se connait trop bien pour prétendre qu'elle aura encore l'espoir de vaincre leurs erreurs passées si aujourd'hui il ne se montre pas à la hauteur. Et elle ? L'est-elle encore ? Elle sait ce que Romance voit en elle, assurément ce qu'elle p r o j e t a i t sur lui à une époque qui lui semble si loin désormais, c'est comme une autre vie, une réalité inachevée où ils forment encore ce tableau de famille parfaite dans lequel elle a elle-même grandi. Pourtant, son tableau s'effrite, elle sent les couches de peinture s'abîmer sans qu'elle ne puisse rien y faire. Elle sait ce que Romance voit en elle — peut-être n'aime-t-elle plus ce regard.

Là, emmitouflée dans la chaleur de sa veste, ce sont ses yeux à l u i qui s'imposent à elle. Elle ne sait pas pourquoi ils viennent la perturber dans un tel moment. Elle a été très clair. Elle ne veut plus le voir. Elle ne veut plus lui adresser la parole. Alors pourquoi pense-t-elle encore à lui ? Quand il la regarde, c'est comme si le reste du monde disparaissait, il n'y a plus d'avant et d'après, juste elle. Comme si elle était le seul être capable de faire son bonheur. Le seul être tout court. C'est une notion d'infini dont elle n'avait même pas conscience avant de le rencontrer. Quelque chose qu'elle n'a jamais vu luire ni dans le regard de son père pour sa mère, ni dans celui d'aucun celestien qui l'a regardé, sans la voir. Pas même Romance, s'il l'a un jour aimé, elle commence à comprendre que c'était d'un amour attendu, tendre mais qui aurait fini par faner, dont a eu raison un sourire enjôleur, une jupe qui passe. Un amour tranquille, un mariage idéal.



l' i d é a l est amer
il provoque son infortune




Un crève-coeur dont elle a besoin d'avoir la confirmation. — Que ce soit bien clair, ce n'est p a s un rendez-vous. Tient-elle à préciser en s'écartant de leur proximité éphémère. — Très bien. Qu'on en finisse veux-tu ? C'est avec toute l'assurance du monde qu'elle s'engage sur la glace, le premier pas est dynamique, le suivant plus incertain, le doute l'assaille plus que jamais, mais la glace ne cille pas une seule seconde. Le talon glisse sans toutefois la perforer, elle n'est qu'une plume sur une couche de givre s o l i d e, l'espace de quelques secondes elle se sent bête d'avoir cru que la légende se confirmerait. Malgré sa foi elle n'est pas dupe, il est évident que le mythe du lac enchanté n'est rien d'autre que cela. Soudain, en elle s'agite les étincelles d'une validation quasi-divine, elle qui un instant plus tôt repensait à Karma, à ses yeux allumant en elle un (( FEU )) que Romance n'a jamais su faire brûler. Peut-être n'a-t-elle pas envie de telles (( BRAISES )) ? Peut-être que l'amour tranquille et le mariage idéal lui suffisent ? Peut-être que les romances épiques sont faîtes pour ne rester rien de plus que des mythes, au même titre que la bénédiction des Grâces ?

Aujourd'hui, les perles glacées inondent ses joues, cristallisent des retrouvailles qu'elle pense pouvoir accepter, avec le temps et la patience nécessaire. Debout à quelques mètres à peine de la rive, ses doigts gelés trouvent la paume du pacifieur, les premiers éclats rayonnent dans son sourire, c'est un rire de soulagement, un rire d'encouragements. Peut-être ont-ils encore une chance après tout ? Une chance accordée par les dragons eux-mêmes.


[ [ C R A C ] ]

c'est le son de la fragilité

[ [ C R I C ] ]

le bruit de la vérité


Elle n'a pas le temps d'hurler que le sol se f i s s u r e sous ses pieds, la banquise devient miroir, une paroi d'eau trop fine s'écartelant en un puzzle blanc et bleu dont les pièces s'entrechoquent pour mieux se distancer. Un chaos de poudreuse et d'éclaboussures givrées, la crème-glacée géante fond à vue d’œil les engloutissant tous deux sous un coulis de neige — la température de l'eau lui coupe la respiration, elle sent le froid lui mordre l'épiderme comme un millier d'épines, elle ne s'entend même plus penser. Avalanche de panique aux tympans, jusqu'à ce que la poigne massive de Romance la hisse sur la rive à ses côtés. Elle s'étouffe, c r a c h e ses poumons pétrifiés par la glace sur la terre gelée. Elle tente d'appeler le soleil dans leur direction, ses rayons à peine apparus sont dissipés par une bourrasque attisant le froid autour de leurs corps déjà tremblants. Elle voudrait la chasser. Elle n'y parvient pas. Et ainsi elle s'énerve de plus belle, ne donnant au vent qu'un peu plus de coffre pour souffler vers eux sa rage. — Je t'avais dit ! Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée ! Pourquoi ne m'as-tu pas écouté ? Tu n'écoutes jamais ! Elle se retient de lui hurler, qu'encore une fois, il a tout gâché. — Tu as bien failli nous tuer ! exagère-t-elle à peine — Tout ça pour une stupide légende ! Je te déteste ! Non c'est faux. Elle voudrait que ce soit vrai. Tout serait plus simple si ça l'était. Elle déteste que la glace se soit brisée et se méprise plus encore d'en être si affectée, et ce fichu soleil qui ne veut pas se montrer !